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Le Muscadet au naturel

Connu de tous les nantais, le Muscadet est un emblème de la gastronomie et du patrimoine régional.
Pourtant son histoire, ses crises et ses batailles mériteraient d’être le sujet d’une bande dessinée d’Etienne Davodeau tant sa réputation, son existence et sa qualité ont été menacés au fur et à mesure des années.

L’AOC Muscadet

Depuis 1936, le muscadet est une AOC définit par un cahier des charges précis :

  • Cépage unique : Melon de Bourgogne (blanc)
  • Territoire : 81 communes au sud et à l’est de Nantes dont 67 en Loire-Atlantique, 10 dans le Maine-et-Loire et 4 en Vendée.
  • Alcoométrie de 9 à 12%
  • Rendement : 55 à 65 hectolitres par hectare
  • 4 Sous-appelations : « Muscadet », « Muscadet de Sèvre et Maine », « Muscadet des Coteaux de la Loire » et « Muscadet Côtes de Grandlieu »

C’est l’INAO (Institut National de l’Origine et de la qualité) qui a pour mission de veiller au respect de ce cahier des charges.

Mais celui-ci ne se traduit pas seulement par les cépages, les territoires, la densité, les rendements et les méthodes de production, mais aussi par les typicités de goût (reconnues en dégustation).

Un défaut de réputation

Bon marché, le Muscadet a longtemps souffert d’une mauvaise réputation de « vin de comptoir », se faisant reprocher son acidité et son goût « vert », sans prise en compte aucune d’une variété des terroirs, de ses capacités de garde et des approches diverses des vignerons.

Dans les années 1990, jusqu’à 70 % de la production était vinifiée par des négociants qui ont préféré opter pour une production de masse, standardisée.

Le point de départ de ce changement fort tient en grande partie dans la crise de 1991 : un gel excessif ravage les vignes, fait chuter la production et entraîne la commercialisation de muscadets de moins bonne qualité sur les marchés français et international, quand celui-ci comblait alors les bistrots du grand-ouest et de Navarre.

Déjà anéantis par l’impact de rendement, il faudra près de 25 ans aux viticulteurs pour que le Muscadet se défasse de la réputation qui lui est faite alors… celle que ces dizaines de vignerons indépendants tenteront année après année de contredire en démontrant que ce vin a une véritable identité et mérite d’être reconnu pour sa qualité.

Contre environ 16 000 hectares dans les années 1980, aujourd’hui le Muscadet ne compte plus que 8 250 ha et environ 500 vignerons. Et sur les 52 millions de bouteilles vendues (dont 15% à l’export), 55% le sont toujours par des négociants.

Et les batailles ne s’arrêtent pas là, chaque année plusieurs collectifs se font entendre pour que les terres en friche ne soient pas destinées au maraîchage intensif et oubliées de leur patrimoine viticole.

Le Muscadet nature

Depuis quelques années, la viticulture est en ébullition. De nombreux vignerons bousculent les codes et s’essaient à de nouveaux modes de culture, avec la volonté de préserver les sols, s’interdisant la chimie, expérimentent des méthodes de vinification naturelles et osent de nouveaux goûts, pour une nouvelle expression du terroir.

Dans la région du Muscadet, ils s’appellent Marion Pescheux & Manu Landron (Complémen’Terre), Fred Niger (Le Domaine de l’Ecu), Vincent Caillé (Le Fay d’Homme), David Landron, Jérôme Bretaudeau (Domaine de Bellevue), Philippe Chevarin, Jacques Février (Le Raisin à Plumes), Marc Pesnot (Domaine de la Sénéchalière), Manuel Pineau ou encore Christophe Bosque (Vinilibre).

Si ils font, et parmi d’autres cépages, du Melon de Bourgogne dans la région du Muscadet, ils ne peuvent parfois pas prétendre  à l’appellation Muscadet.
Car leur expérimentation, dont on saura en apprécier la richesse de saveurs, ne correspond pas toujours aux typicités de goût entendues aujourd’hui par l’INAO.

Pourtant on imagine facilement que leur méthode de vinification est probablement plus proches de ce qui se faisait en 1936 avant que les cultures conventionnelles et l’utilisation des intrants chimiques ne les standardisent.

Ainsi, dans le Muscadet et ailleurs, de nombreux vins natures apparaissent en « vin de France » ou « Vin de pays ». Ce qui est loin d’être du « vin de table » et cache souvent un militantisme en faveur du goût et de l’environnement.