- Posted: 22 janvier 2020
- Tags: Carte Blanche, Histoire, Nicolas Guiet
L’histoire de la rue Fouré
L’U.Ni, Nazca, La raffinerie devenue Omija, Bé2M, Cocotte, Le lion et L’agneau…
Et à 2 pas, Les Chants d’Avril, Maison Baron-Lefèvre, Izakaya Joyi, Papill’…
Tout amateur de restaurants à Nantes ne peut ignorer la rue Fouré qui traverse ce quartier auquel on donne plusieurs noms : La Madeleine, Champ-de-Mars, Les Olivettes ou encore Baco-Lu
Connaissez-vous seulement l’histoire de cet ancien faubourg industriel et populaire ? Saviez-vous qu’à deux pas de l’usine Lefèvre-Utile, le quartier a accueilli le premier MIN (Marché d’Intérêt National) de Nantes avant que celui-ci ne déménage sur l’île de Nantes puis à Rezé, et que soit lancé dans les années 1980 un grand projet de réaménagement qui donnera peu à peu l’image qu’on lui connaît ?
Un quartier industriel
Aux XIXe et XXe siècles, les Olivettes est un quartier ouvrier qui regroupe de nombreux commerces et petites entreprises industrielles (tanneries, filatures, rizeries, savonneries…). Rue des Oliviettes, la maison Porcher vend des faïences, des céramiques et des bouteilles et les frères Huguennin ont leur vinaigrerie. Rue Fouré, l’industriel Joseph Paris est dans la construction métallique. Et l’actuelle avenue de l’hôtel-Dieu abritait la salle des machines de la filature de coton Duval.
Si il a été envisagé d’élargir la vieille ville de Nantes dans cette direction, pour des raisons de sols, on préféra étendre celle-ci vers Graslin.
Du côté est, vers le Champ-de-Mars c’est alors un lieu de promenade, de manoeuvres militaires et de manifestations sportives ou politiques.
En 1903 on décide d’y implanter le marché aux légumes dans un grand bâtiment en bois, appelé marché-gare.
Et comme il fallait une vitrine pour l’industrie et le commerce local, on imagina en 1935 la création du Palais du Champ de Mars, un énorme monument, en béton et dont les années 30 ont le secret, situé avenue Jean-Claude-Bonduelle, à deux pas de l’usine LU.
En septembre 1938, celui-ci est inauguré à l’occasion de la 9è foire internationale des dahlias. Long de 150 m, de 40m de large et de 20m de hauteur, sans charme aucun, mais fonctionnel avant tout, il se compose de deux niveaux. A l’étage, la vaste hall accessible par deux grands escaliers et deux rampes qui permettent aux véhicules d’y accéder, peut accueillir jusqu’à 6 000 spectateurs assis, ou 10 000 debout.
Pendant près de 50 ans, le palais sera le lieu de toutes les rencontres. Bien qu’on y ait vu des étudiants passer leurs épreuves du baccalauréat, le tirage de la loterie nationale, le concert d’une jeune idole nommée Johnny Hallyday, ou le dernier meeting de François Mitterrand avant qu’il ne devienne président, le bâtiment reçoit avant tout les foires diverses (foires aux vins, floralies…) et les événements sportifs : basket, rink-hockey, handball, volley-ball, boxe, catch, athlétisme…
Un quartier marchand
Au rez-de-chaussée de cette vaste hall, le marché-gare a quitté son entrepôt en bois et a pris là ses quartiers. La poissonnerie municipale s’y installe aussi.
Les négociants et cuisiniers viennent se fournir auprès de grossistes qui aménagent des entrepôts dans les rues environnantes où s’installent également de plus en plus de commerçants.
Ainsi le restaurant Baron-Lefèvre était un entrepôt d’agrumes, le restaurant La Recré stockait les pommes de terre et le Squash Nantais les fruits secs. Au Bé2m on mûrissait les bananes, et Papill’ était, comme sa devanture ne peut le cacher, un primeur.
Mais rapidement le marché est saturé et l’activité déborde largement sur la rue.
Si bien que le 31 mars 1969, le marché-gare déménage et le MIN de Nantes est alors inauguré sur l’île de Nantes. Un emplacement qui permet une logistique facilitée avec la ligne de chemin de fer qui y dessert chaque entrepôt, la proximité d’un quai pour les bateaux et avec eux la promesse d’approvisionner jusqu’à 17 départements français de la Bretagne au Sud-Ouest.
Un quartier culturel
Durant cette période, l’activité industrielle et marchande se double d’une vie sociale animée, dont Aimé Delrue (1902-1961) est l’un des principaux acteurs et symboles populaires. Gérant d’une épicerie-droguerie dans le quartier, il est aussi auteur de pièces de théâtre. Dans les années 1930, il fonde la République des Ponts qui englobe la rue Fouré, la chaussée de la Madeleine et la rue des Olivettes. Cette République autoproclamée et informelle symbolise la revendication d’autonomie des habitants du quartier et le développement d’une vie sociale en interne. Aimé Delrue organise là des évènements culturels, relance le Carnaval et y crée la fête du lait-de-mai qui perdure toujours et continue de rassembler les habitants.
Et aujourd’hui, un quartier d’affaire, mais pas que !
Le déménagement du marché et la perte des activités industrielles et d’une partie de la population entraîne le quartier des Olivettes dans une situation de friche urbaine dans les années 1970 et 1980. La réputation de quartier « coupe gorge » ne tarde pas à apparaître.
La destruction et reconstruction depuis le palais jusqu’à la chaussée de la Madeleine est alors planifiée par la municipalité pour remédier à son insalubrité et développer une nouvelle dynamique via l’implantation de grands équipements tout en visant une certaine mixité fonctionnelle et sociale.
Si il y a toujours eu des commerces de bouche autour de l’ancien marché, cette politique municipale est probablement un élan supplémentaire à l’essor des nombreux restaurants qu’on connaît à ce quartier.
Le palais du Champ-de-Mars sera détruit en 1988 pour laisser place à la banque Crédit Industriel de l’Ouest et à un tout nouveau quartier d’affaire avec la construction de nouveaux immeubles de bureaux abritant notamment les services de la ville puis de la communauté urbaine ainsi que les services de la Poste.
A l’extrémité nord, ce qu’il reste des bâtiments Lu devient le Lieu Unique, aménagé par l’architecte Patrick Bouchain pour accueillir des manifestations culturelles. La Cité des congrès est, elle, inaugurée le 1er avril 1992. Et Nantes Aménagement favorise l’installation temporaire d’artistes dans des bâtiments abandonnés en attente de réhabilitation.
(vous aurez reconnu là ce qui est actuellement l’U.Ni)
Fort de son histoire, cet ancien quartier ouvrier et populaire accueille désormais dans ses anciens bâtiments industriels réhabilités des galeries d’art et des tiers-lieux artistiques (tels l’espace Pol’n), des espaces de coworking, des théâtres, des associations, des agences de communication et d’excellents restaurants qui renouent là avec le passif gourmand.
Le dynamisme artistique et culturel au sein de ce quartier fait se croiser les différents acteurs, permet de faire renaître l’animation et de défendre celui-ci contre une gentrification excessive.
Avec ses venelles avoisinantes, ses placettes, ses jardins… aujourd’hui la rue Fouré voit se développer autour d’elle une véritable vie de quartier qui ne cesse de s’animer tout au long de la journée.
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