- Posted: 22 février 2022
Quand des champignons poussent dans une ancienne chapelle
Parmi ces diverses actions, l’association Les Bouillonnantes organise des visites chez des artisans et temps d’échanges entre les Chefs du bassin nantais et les paysans et artisans de la région. Nous vous racontons ici ces rencontres.
Date : 22/02/2022
Texte : Ludivine Vinet
Photos : Paul Stefanaggi
Au cœur de Nantes, à 2 pas du marché de Talensac, l’ancienne Chapelle du Martray cache une production peu habituelle. Lauréats en 2018 du concours “15 lieux à réinventer” organisé par la ville de Nantes, Camille May et Romain Redais ont souhaité donner une nouvelle vie à ce bâtiment laissé pour compte, en y cultivant en agriculture biologique des champignons. Un modèle d’agriculture urbaine qui interroge la réutilisation des bio-déchets et s’appuie au maximum sur les circuits (très) courts.
Une seconde vie pour les biodéchets
Les parcours professionnels de Camille, ancien ingénieur mécanique, et de Romain, chimiste industriel formé à la biologie, ne les destinaient pourtant pas à cette reconversion. En aidant un ami brasseur, Romain réalise que les villes n’offrent pas de solution à la gestion des biodéchets et notamment de la drêche résultant du brassage. Avec l’aide de Camille, il réfléchit à une solution de réutilisation et ensemble, ils se lancent dans des tests concluants de production de pleurotes sur un mélange de drêche et de paille.
Le projet né alors : produire des champignons locaux et ultra frais au cœur de la ville et les vendre au maximum en circuit court à travers la livraison à vélo.
4 années après, ce sont 3 variétés et près de 10 tonnes de champignons qui sont produites chaque année sur leurs deux sites (la Chapelle du Martray et l’ancien MIN sur l’île de Nantes).
S’ils s’appuient pour l’instant sur l’achat auprès de plusieurs entreprises de substrat mêlant paille (apportant les sucres et l’énergie), son de blé (qui fournit de la vitamine B) et millet (riche en protéine) préalablement ensemencé avec les variétés choisies, ils visent à produire leur propre substrat d’ici à un an, après avoir opéré de nouveaux tests et sous condition de la création d’un poste et de la mise en place de la logistique nécessaire à la récupération des biodéchets.
Trois variétés de champignon
Pour cette culture bien spécifique, Camille et Romain ont construit des modules semi-clos, éclairés durant le jour, afin d’alimenter les champignons en vitamine D. Ces modules leur permettent de concentrer la chaleur indispensable à la pousse et de maîtriser l’humidité. Munis d’une ventilation entrante, de filtres très fins et bénéficiant d’une pression atmosphérique supérieure à celle extérieure, ils luttent ainsi, le plus naturellement possible, contre l’invasion d’insectes et de spores non désirés afin de garantir l’absence de maladie tout en respectant les principes de l’agriculture biologique.
Actuellement, ils y produisent 3 variétés de champignons
- Le pleurote (de variété pleurotus ostreatus également appelée pleurote huitre), un produit plus noble et plus délicat que le pleurote commun et très apprécié pour son goût et sa texture.
- Le champignon brun de type champignon de Paris (mais de Nantes !) de variété Heirloom, proche de la Rosée des prés, pouvant donner des champignons de différentes tailles, allant jusqu’à 400 g.
Ils sont livrés avec leurs pieds entourés de tourbe afin d’offrir ainsi une meilleure conservation. - Le shiitaké, champignon originaire d’Asie, très charnu, au goût subtil et doux, riche en umami
Les 2 gourmets aimeraient par la suite pouvoir développer d’autres variétés en cultivant par exemple le pleurote du panicaut, la pholiote du peuplier (reconnaissance à son goût de noisette), des pleurotes tropicaux roses ou jaunes, ou le hydne hérisson, un champignon surprenant dont le goût se rapproche de celui de la chair de homard.
Chaque variété de champignons est cultivée sur un substrat spécifique qui répond à ses besoins nutritionnels. D’une durée de vie de 2 à 5 mois, ces pins de substrat sont hydratés au besoin quand les signes de stress hydrique apparaissent, tout en veillant à garder une atmosphère assez sèche. En effet, ce stress amène le champignon à développer des composés aromatiques plus importants et à avoir un taux de matières sèches plus élevé, donnant un meilleur rendement à la cuisson.
Sachez qu’il faut 1 tonne de substrat pour produire 200 à 250 kg de champignons… de quoi permettre une large réutilisation de biodéchets.
Vendus en circuit court
Profitant de leur position au cœur de Nantes, Camille et Romain accueillent chaque vendredi le public à la Chapelle du Martray pour de la vente directe aux côtés de Plume de Courgette, maraîcher installé en périphérie nantaise. Ils y animent également des ateliers d’initiation à la pousse de shiitakés et pleurotes.
Soucieux de favoriser les circuits-courts, la proximité avec le consommateur et afin de garantir une production locale au juste prix, grâce à leur vélo cargo, ils livrent pas moins de 18 AMAP de la métropole, plusieurs épiceries nantaises, les micro-marchés, La Ruche qui dit Oui et de nombreux restaurateurs de la région.
Depuis peu, leurs produits sont également disponibles aux clients professionnels de la région par l’intermédiaire de Berjac, opérateur installé au MIN de Nantes.