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Lucie Berthier Gembara, étoile du midi

Extrait de l’interview réalisée par Laurence Goubet publiée dans le magazine Kostar n°79 février-mars 2022

Depuis l’ouverture de son restaurant Sepia en 2019, Lucie Berthier-Gembara ensoleille Nantes avec ses assiettes teintées de Méditerranée. Elle prône une cuisine majoritairement végétale, subtile, vive et malicieuse qui ne fait pas semblant quant à sa portée écologique. Un franc-parler naturel, l’œil rieur et la mine enjouée… rencontre avec l’une des figures montantes de la gastronomie nantaise.

Vous avez commencé la cuisine relativement tard. D’où vous est venue cette envie ?
Quand je vivais aux États-Unis, je cuisinais pour mes colocs. J’avais cette fibre et j’avais pris conscience que ça m’intéressait. Ça s’est dessiné un peu après. J’avais 23 ans, je travaillais dans le marketing en tant que chef de projet, mais ça ne me plaisait pas vraiment. J’ai saisi l’opportunité de reprendre mes études pour me lancer.

À quand remonte ce goût pour la cuisine ?
Ma mère cuisine beaucoup. Mon grand-père avait un restaurant. Chez moi, on faisait attention à ce qu’on mange et on aime bien manger.

Vous ne cachez pas que votre apprentissage n’a pas été facile. Pourquoi ?
Je pense que c’est en grande partie lié à la difficulté pour une femme de trouver sa place en cuisine, surtout quand on est en bas de l’échelle, en apprentissage ou en stage. On a beau pouvoir être l’égal d’un homme sur le plan du boulot, il existe malheureusement beaucoup de violences auxquelles les femmes sont sujettes, en termes de harcèlement moral ou sexuel. Par chance, les langues se délient, ça commence à se savoir.

Mais vous avez tenu…
Oui. Je suis rentrée dans la cuisine parce que c’était ma passion mais j’ai compris que le rythme et le management seraient différents de ce que j’avais vécu dans d’autres jobs. J’ai trouvé la force de poursuivre et d’avancer car j’avais la chance d’être bien entourée, notamment par mon conjoint. J’ai beaucoup pris sur moi. Je savais que ces stages ne dureraient qu’un certain temps.

 

“Chez moi, on faisait attention à ce qu’on mange et on aime bien manger.”

Avez-vous eu aussi du soutien de la part de votre école ?
Sur le moment, on ne dit rien… car on ne veut pas être la personne qui balance ou parce qu’on a peur des retombées si on venait à parler. À partir du moment où j’ai parlé, l’Institut Paul Bocuse a pris des mesures et a fait en sorte qu’il n’y ait plus jamais d’apprentis qui aillent se former dans ces établissements.

 

À la fin de vos études, vous partez à Marseille vous former au Petit Nice auprès de Gérald Passedat. Qu’est-ce qui oriente ce choix ?
Je voulais expérimenter le travail dans un 3 étoiles. Gérald Passedat est une pointure dans le traitement du poisson et de tout ce qui a trait à la mer. Je souhaitais apprendre cela auprès de lui. En définitive, mon stage s’est poursuivi par un CDD et je suis restée 1 an et demi auprès de lui.

Puis, Alexandre Mazzia vous appelle…
J’étais rentrée à Nantes. Une amie qui travaillait dans son restaurant lui a parlé de moi et il m’a proposé de venir y travailler. J’étais allée manger chez lui et j’avais été séduite par sa créativité, donc je n’ai pas hésité. J’ai découvert son fonctionnement qui permet à chacun de tourner entre les différents postes. C’était hyper enrichissant.

C’est aussi Marseille elle-même qui a influencé votre cuisine…
Quand je préparais l’ouverture de Sepia, on me demandait d’expliquer ce qu’allait être ma cuisine. Je me suis rendue compte qu’il y avait une forte influence méditerranéenne. Marseille est une ville cosmopolite. J’ai vécu dans des quartiers très populaires, empreints de street-food, de culture nord-africaine, d’épices… Aujourd’hui, je suis toujours attachée à ces goûts-là et à ces odeurs.