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Les Vergers de la Ronce

Parmi ces diverses actions, l’association Les Bouillonnantes organise des visites chez des artisans et temps d’échanges entre les Chefs du bassin nantais et les paysans et artisans de la région. Nous vous racontons ici ces rencontres.

Date : 05/07/2022
Texte : Evaine Merle
Photos : Evaine Merle

À Abbaretz, Ivo, Aisling et Alice produisent dans leur jeune verger forestier des petits fruits biologiques. Derrière leurs looks de grands tatoués se dévoilent de grands amoureux de nature, heureux de partager et de faire connaître leur ferme naissante et d’échanger avec les Chefs avec lesquels ils espèrent, très prochainement, mettre en place de fructueuses collaborations. En effet, la ferme agro-forestière entre en production cette année 2022, avec pour ambition d’aller plus loin que le cahier des charges bio, préservant les écosystèmes alentour et le goût de leurs précieux petits fruits dont de nombreuses variétés peu cultivées en Loire-Atlantique.

Nous arrivons à Abbaretz, commune située entre Nantes et Angers, un lundi de juin. Il fait déjà chaud, mais pas encore les 40 degrés caniculaires que nous subirons les jours suivants. Plus on s’enfonce dans l’allée qui mène aux Vergers de la Ronce, plus la fraîcheur des arbres environnants est appréciable. C’est ici, dans un espace arboré de 1,4 hectares que Ivo et Aisling se sont installés en 2018 avec des envies d’autonomie alimentaire et de forêt jardin. Les aléas de la vie, leur fils touché par une maladie grave, l’arrivée d’un second enfant et une quête de nature et de sens les ont poussés à quitter leurs jobs (Ivo travaillait dans les jeux vidéos et Aisling en communication) pour monter ce qui devait être au départ une ferme pédagogique
Le projet de la ferme est né de l’envie de s’aligner avec des valeurs qui nous parlaient profondément » nous explique Aisling.
Ivo prépare un diplôme agricole de 2019 à 2020. C’est alors que naît l’idée d’une ferme fruitière, qui se grefferait à l’environnement forestier de la parcelle, « le défi ça a été de réussir à créer une architecture du verger qui pourrait s’intégrer sous les arbres existants ». Au cours de sa formation en BPREA, Ivo rencontre Alice qui effectue désormais un stage Paysan Créatif de la CIAP (coopérative d’installation en agriculture paysanne). Ça match bien avec le couple qui lui propose de rejoindre le projet en 2021.

Le bois a été préparé, les quelques arbres malades tronçonnés, les fruitiers plantés jusqu’à l’automne 2021, puis paillés avec du broyat de bois. Maintenant, il faut évoluer au lent rythme de croissance des arbres. Les fruitiers ont été sélectionnés pour étaler la production sur 7 ou 8 mois comme ces myrtilliers qui donnent de juin à septembre. En cheminant dans les allées, on croise des cassissiers, des amélanchiers, des camerises, des canneberges, des kiwaïs, des mûriers mais aussi des aronias, du combawa, des asiminiers, de l’aronia, des citronniers caviar et même des fuchsias aux baies comestibles. Ce ne sont pas moins de 26 espèces différentes qui plantent leurs racines dans les sols au PH parfois très bas de la ferme. Le trio vise de produire 3 à 4 tonnes de fruits par an d’ici à 2024, avec la possibilité d’étendre la production et les variétés grâce à l’achat d’un autre terrain.

On serpente dans le bois à la découverte de ce jardin foisonnant pendant que nos hôtes nous détaillent leur manière de travailler pour obtenir des produits de qualité « 

On essaye d’aller au-delà du cahier des charges bio en utilisant exclusivement des préparations à base de plantes pour les traitements et du broyat de bois pour le paillage.

Ivo détaille « On s’arrête au savon noir pour les traitements, on trouve déjà ça assez violent ». Les Vergers de la Ronce est un projet résolument écologique, avec pour mot d’ordre de dénaturer le moins possible l’écosystème existant, « On essaie de limiter au maximum l’impact qu’on peut avoir ». Cela implique une mécanisation réduite au minimum. « C’est une bonne excuse pour ne pas débroussailler » nous dit Aisling en rigolant. C’est foisonnant ici, « On a une densité de plantation qui est très forte, ça se rapproche un petit peu du maraîchage bio-intensif où on va essayer de rapprocher les choses pour avoir une production très importante par rapport à la surface ». 

On entend les oiseaux chanter dans les arbres. D’ailleurs, la ferme est labellisée Paysans de Nature et travaille en lien étroit avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). Dans les haies formées par les ronciers sauvages, ça remue, sûrement des campagnols, décriés comme ravageurs. Travailler de cette manière, c’est collaborer en lien étroit avec les êtres qui peuplent les bois : « ça amène plein de problèmes aussi, mais c’est là que c’est intéressant. » La ligne est floue entre ravageurs et auxiliaires. Le campagnol, toujours lui, s’il fait des dégâts, permet également d’aérer le sol en creusant des galeries. Un travail d’équilibre est nécessaire pour trouver la bonne balance entre faire et laisser faire. Pour cela, ils tablent automatiquement sur une perte de 30% de production par an. La dernière parcelle que nous visitons est dédiée aux fraisiers, des Gariguettes et des Mara des bois en fin de production. Il faudra attendre la rentrée pour en déguster d’autres. Avant de partir, le trio distribue des feuilles de combava fraîches, à cuisiner. 

Les modèles de fermes agro-écologiques comme les Vergers de la Ronce apparaissent comme un modèle de ferme d’avenir face à un climat qui tend à se dérégler de plus en plus. Retravailler en lien étroit avec l’environnement déjà existant, favoriser les arbres qui apportent de l’ombre aux plantations, préférer les variétés paysannes rustiques et souvent plus goûteuses, traiter le moins possible et puis, surtout, favoriser l’échange et la gourmandise. C’est tout cela qui tisse les liens de ce jeune projet plein de promesses dont il faudra patienter jusqu’en 2024 pour déguster toute l’étendue des saveurs comme celle de l’asiminier, fruit fondant dont le goût rappelle celui de la banane, de la mangue et de l’ananas.