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Une laiterie au cœur de Nantes

Parmi ces diverses actions, l’association Les Bouillonnantes organise des visites chez des artisans et temps d’échanges entre les Chefs du bassin nantais et les paysans et artisans de la région. Nous vous racontons ici ces rencontres.

Date : 26/10/2021
Texte : Ludivine Vinet
Photos : Emilie Papaye

Sur l’île de Nantes, à deux pas des Machines et de l’éléphant, Esther Bouyssou et Benjamin Limouzin ont initié la première laiterie nantaise et fabriquent dans leur atelier ouvert une gamme de fromages, français et italiens, à partir de lait bio labellisé « lait de foin », qu’ils collectent eux-mêmes dans une ferme de la région.

Le projet de deux reconvertis

Ingénieurs dans l’aéronautique à Paris depuis 10 ans et sensibles par-ailleurs au bien-manger et à l’écologie, le couple ne se sentait plus en adéquation avec les valeurs de leur emploi.

Quand en 2019, la sœur d’Esther ouvre une laiterie à bordeaux (la laiterie Burdigala), l’idée de ce projet germe dans leur tête.

Durant une année, les deux jeunes trentenaires partent alors se former en France (à l’Ecole Nationale d’Industrie Laitière et des Biotechnologies qui leur construit un parcours sur-mesure) et en Italie (auprès d’un spécialiste de la mozzarella originaire des pouilles) et effectuent plusieurs stages dans des fermes.

De retour à Nantes, ils trouvent ce local vide de 90  dans lequel ils aménagent un espace de production vitré et visible depuis la rue, une chambre d’affinage, une chambre froide  et un espace de vente.

Des fromages locaux au lait de foin

Tôt le matin, 3 à 4 fois par semaine et à tour de rôle, Esther et Benjamin vont collecter le lait ultra-frais nécessaire à leur production (actuellement entre 600 et 800 litres par semaine). 

Élément central de leur production, Esther et Benjamin ont cherché un producteur de lait durant plusieurs semaines avant de porter leur dévolu sur le travail de Ghislain Maillard, installé à Bouvron, à 35 minutes de Nantes, qui a repris et converti la ferme familiale et élève des vaches laitières de races diverses (montbéliarde, vosgienne, croisées jersiaises et prim’Holstein…) et propose du lait bio labellisé “lait de foin”, un label européen qui garantit que les vaches sont nourries toute l’année au foin, sans ensilage ou enrubannage (deux procédés de conservation du foin qui entraîne une fermentation et impacte sa qualité) et bien évidemment sans OGM également.

Ghislain produit lui-même son propre foin à l’aide d’un grand séchoir électrique. En complément du pâturage, cette nourriture de qualité lui permet d’obtenir un lait goûtu et riche en matières grasses et en protéines

On constate que le lait de foin peut permettre à certaines personnes intolérantes au lactose de mieux digérer le lait. L’alimentation des vaches a un impact sur la digestion du lait pour l’humain. Note Esther

Initialement Ghislain était lié à son collecteur par un contrat d’exclusivité (son lait était alors mélangé avec d’autres producteurs de laits non certifiés “lait de foin”). Désormais, il travaille parallèlement avec la laiterie qui le rémunère en moyenne 15 centimes de plus par litre que le collecteur (actuellement la laiterie le rémunère 66 centimes / litre).

Un partenariat qui leur permet de valoriser le travail du producteur et de lui offrir une rémunération honnête afin qu’il puisse vivre dignement de son travail. À terme, Esther et Benjamin vise de lui acheter 70 000 litres de lait par an. 

Outre le lait, pour la confection de certains fromages (tels que la burrata et la straciatella), Esther et Benjamin s’approvisionnent en crème Bleu Blanc Cœur auprès de la laiterie “De Nous à Vous”, située à Remouillé et vise à trouver un producteur bio local afin de pouvoir labelliser l’ensemble de leur gamme.

On ne peut pas produire notre propre crème ni notre beurre. Il faut 10 litres de lait entier pour produire de la crème (20 pour le beurre), ce qui représenterait une quantité trop importante de lait écrémé à écouler.” précise Benjamin

Ils visent cependant à développer leurs propres levains, bien qu’ils soient contraints pour les yaourts de les acheter obligatoirement auprès d’une entreprise spécialisée.

Une gamme diversifiée

La production de la Laiterie Nantaise se décline d’une part autour de spécialités italiennes telles que la ricotta (fabriquée en partie à partir du petit lait), la mozzarella (fromage de pâte filée), la stracciatella (cœur de burrata mélangeant fromage et crème fraîche), la burrata (straciatella entourée d’une pâte filée) et la scamorza (mozzarella affinée) pour lesquels ils appliquent les techniques et recettes apprises en Italie.

D’autre part, ils proposent également des spécialités françaises tels que les yaourts natures et aromatisés, des fromages affinés (type Saint-Marcellin et Saint-Félicien, bien qu’ils n’aient pas le droit d’en utiliser le nom) et du labneh.  Tous sont fabriqués au lait cru, exception faite des yaourts, pour lesquels il est interdit, en France, de commercialiser des yaourts au lait cru.

Les fromages frais sont produits quasi quotidiennement du mardi au samedi et un lundi sur deux afin d’offrir aux particuliers et aux professionnels des produits de première qualité. Vendus dans des contenants consignés, ceux-ci bénéficient par ailleurs d’une date limite de consommation allant jusqu’à 10 jours (pour la mozzarella par exemple). La laiterie propose par ailleurs ses invendus sur l’application solidaire Phénix.

Le couple prévoit d’expérimenter peu à peu de nouveaux fromages, compatibles avec leur chambre d’affinage et n’exclut pas, d’ici à quelques années, de produire des fromages à partir d’autres laits (chèvre, brebis).

Comment fait-on de la mozzarella et de la burrata ?

Pour le découvrir nous vous conseillons de participer à un atelier de fabrication organisé régulièrement les samedis à la laiterie. À défaut, sachez que lorsque le lait arrive frais (il est en effet interdit de transporter le lait chaud). Celui-ci est réchauffé puis acidifié (à l’acide citrique). On y ajoute alors des levures pour le faire coaguler. Le caillé ainsi formé est ensuite découpé au couteau, puis à l’aide d’un spino (outil traditionnel italien). Une fois égoutté, il convient de verser sur le caillé ainsi formé une eau très chaude (environ 82 à 84 °C) et salée afin de le faire fondre et d’obtenir une jolie pâte filée à partir de laquelle le fromager forme les boules. Une fois formée, les mozzarellas sont rafraîchies dans une bassine d’eau froide puis conserver dans des bocaux avec leur eau de conservation composée d’eau, de sel et de chlorure de calcium qui permettent de maintenir la présence de ces éléments dans le fromage.

Quant à la burrata, cette même technique est utilisée pour former des fils de fromages, qui sont ensuite mélanger à de la crème fraîche (ce qui forme la straciatella). Cette dernière est alors enfermée dans une poche de pâte filée pour former la burrata.