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Polyculture-élevage à la Ferme de la Pénoue

Parmi ces diverses actions, l’association Les Bouillonnantes organise des visites chez des artisans et temps d’échanges entre les Chefs du bassin nantais et les paysans et artisans de la région. Nous vous racontons ici ces rencontres.

Date : 02/08/2023
Texte : Evaine Merle
Photos : Evaine Merle

La Ferme de La Pénoue plante ses racines sur la commune de Petit-Mars, à une vingtaine de kilomètres de Nantes. Alexis Férard a repris l’exploitation en 2018, charmé par ce lieu dessiné par les bocages. Sur une cinquantaine d’hectares, il élève des vaches de race Nantaise et Limousine pour leur viande ainsi que des abeilles noires, dont il prélève le miel. Des variétés anciennes de céréales complètent les pôles de production de cette ferme en polyculture-élevage, ainsi que de petits ateliers d’élevage ovin et porcin.

Fin avril, le printemps est bien installé et la pluie, salvatrice ces dernières semaines, a favorisé la croissance de la végétation dans les champs. Alexis, ingénieur agronome de formation, nous accueille avec le soleil dans le Hameau de La Pénoue. La ferme est déjà en BIO quand il l’achète à un éleveur laitier partant à la retraite et les bocages ont été préservés « C’est super dur de reprendre une ferme qui vient juste de passer en BIO parce qu’on a pas les aides à la conversion et en plus, au niveau de la biodiversité, tout n’est pas encore calé. Ça met des années et des années à se construire. Là, j’ai repris quelque chose qui était déjà bien en route. » nous explique-t-il.

Au début, il conserve une autre activité professionnelle, le temps de construire son circuit de commercialisation, avec l’ambition de travailler uniquement avec la vache Nantaise. La difficulté à trouver un cheptel nantais le conduit à incorporer une autre race bovine à La Ferme de La Pénoue.

« j’ai eu une opportunité de reprendre un troupeau complet en Limousine, donc je me suis installé avec des vaches limousines. Peu à peu, des nantaises se sont incorporées dans le troupeau et, depuis, j’ai deux tiers de limousines et un tiers de nantaises. L’équilibre est intéressant parce les deux races sont complémentaires. ».

Complémentaires car si la vache Nantaise, rustique, s’adapte aux terres marécageuses de Loire-Atlantique, les débouchés de commercialisation sont plus difficiles à trouver, elle n’a pas le gabarit classique demandé par les boucheries pour la vente.

« Il y a un travail de communication à faire » dit-il, pour revaloriser ce bovin de la région, dont la population a failli disparaître dans les années 1980 au profit de races plus productives. La Limousine, toute aussi rustique et au caractère bien trempé, se vend bien.

Alexis nous mène vers le pré des nantaises. Des veaux se baladent sur le chemin, ils ont réussi à passer les clôtures, « il y a un peu de liberté chez les animaux » nous dit l’éleveur en plaisantant. Il appel le cheptel qui arrive au trot, en suivant le jeune taureau à la robe gris perle. Les bovins sont nourris à l’herbe, au foin lors des saisons où elle se fait rare. Les pâturages sont tournants, chaque jour Alexis déplace la clôture pour offrir de l’herbe fraîche à ses ruminants « ça permet qu’elles ne re-broutent pas ce qu’elles viennent de brouter.

Quand elles re-broutent ce qui vient d’être consommé, ça fatigue l’herbe », une activité qu’il apprécie particulièrement. « J’aime bien me promener. Je vais voir les vaches, c’est là qu’on voit si elles vont bien, on entend tout ce qui se passe dans la nature, c’est un moment privilégié. ». Elles ne sont complémentées en céréales que lorsque l’herbe n’est pas assez riche avant de partir à l’abattoir, autour de l’été, pour ramener un peu de gras « On veut qu’elles soient vraiment bien grasses, avec du gras sous la peau, pour que la carcasse puisse maturer correctement. La tendreté vient aussi par le taux de gras qu’on peut retrouver dans la viande ».

Nous empruntons un chemin cerné par les arbres aux feuilles naissantes, passons devant le pré des limousines, puis nous arrêtons dans un champ rempli de céréales. Sur la droite, de l’amidonnier, une variété ancienne de blé, « l’Amidonnier c’est chouette on peut faire de la cervoise avec » nous dit le paysan qui produit également de l’orge brassicole qu’il fait malter dans une ferme voisine.

Sur la gauche, de nombreuses céréales se côtoient sur des planche d’un mètre de large chacune. Parmi celles-ci, le blé du Pérou, une variété précoce qui atteint sa maturité en 120 jours environ. Les épis sont bien formés, il sera récolté d’ici une quinzaine de jours. « C’est un blé que j’imagine faire en double culture, comme il est très précoce. ». Alexis travaille ses céréales sur 10 hectares de terres, qu’il n’a pas vocation à agrandir. Les sols sont trop pauvres pour avoir un bon rendement en céréales, alors ce sont les vaches qui les pâturent tous les deux ou trois ans, pour les enrichir.

« C’est un challenge de produire sur des terres assez pauvres », un équilibre à trouver dans la rotation des parcelles qui voient les grains planter leurs racines puis les animaux fouler les terres à quelques années d’intervalle. Des terres pauvres idéales pour faire du sarrasin, deux tonnes l’an dernier.

Le but ? Produire de la farine et des pâtes pour les commercialiser, du pain et de la bière pour la consommation personnelle, découvrir et tester des variétés de céréales anciennes avec son frère, meunier et boulanger, mais aussi avec les paysans et paysannes qu’il rencontre.

Participer également à un réseau d’échange autour des semences paysannes, grâce aux nombreuses réunions qui lient ses divers activités. D’ailleurs, quand il sème dans les champs, il n’est pas rare que les jeunes du village viennent l’aider « ils descendent à vélo et viennent nous filer un coup de main ».

Les pôles d’activité sur la ferme ne manquent pas, c’est à se demander s’il s’arrête parfois. Il dit « je préfère faire des choses que les autres ne font pas, quitte à faire de la production de semence ».

Ce que les autres ne font pas, c’est travailler avec l’Abeille Noire. Une abeille originaire de l’ouest de l’Europe, rustique. Loin de la fameuse « Buckfast » que l’on retrouve habituellement chez les apiculteur.ice.s, qu’Alexis compare à la vache Prim’Holstein, cette vache à la robe pie noir que vous avez forcément déjà rencontré, pas rustique pour un sous sur nos territoires et sélectionnée pour ses rendements en lait très élevés. La buckfast, elle est similaire.

Peu rustique et choisie pour ses capacités à produire beaucoup de miel, mais incapable de réguler ses populations en fonction de la météo, et qui doit être complémentée en sirop de glucose « vous achetez un essaim de Buckfast, vous achetez un bidon de sirop avec, pensez-y ! » rappelle l’éleveur. Nous voilà revenu.e.s dans le corps de ferme.

Face à nous, quelques ruches. Alexis s’en approche pour prélever une abeille en fin de vie. Il revient avec à la main un mâle, faux bourdon, et une femelle, qui vient de le piquer, ça ne semble pas le troubler. Il nous montre les deux butineurs de près, il n’est pas aisé de reconnaitre l’Abeille Noire. D’ailleurs, s’il achète ses abeilles à une association de protection de l’espèce, il ne contrôle pas ce qui se passe quand elles sont hors de la ruche, la fécondation s’effectuant en vol « Abeille Noire en terme de phénotype, ce n’est pas facile. Ce sont des abeilles hybridées. ».

De cette butineuse locale, il prélève un miel de sarrasin, seules colonies qui sont transhumées, un miel de marais, surprenant, un miel de forêt, plus corsé et autres délices miellés qui ont la particularité de ne pas être mélangés entre ruchers.

Une dégustation de miel plus tard, les portes du lieu se referment. Cette ferme au départ destinée à l’élevage se retrouve finalement en polyculture-élevage, un modèle similaire à celui qu’il observait dans la ferme de ses grands parents, en Normandie. « Ce qui m’intéresse, ce sont les interactions entre productions. » dit-il. Soyons assurés qu’ici elles ne manquent pas pour offrir des produits sains, préserver la santé des terres du hameau de La Pénoue et de sa faune, sa micro-faune et sa flore sauvage. La ferme n’en est qu’a ses débuts, ses premières vaches sont parties à l’abattoir l’an dernier. Si beaucoup de productions ici sont d’heureux concours de circonstances, à l’image des cultures céréalières qui ont vu le jour suite à l’achat d’un moulin, qui sait ce qu’Alexis et sa ferme nous réservent pour les années à venir ?