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Les Anciens de L'U.Ni autour de Nicolas Guiet - Photo Paul Stefanaggi

Manager, Transmettre et Accompagner

Cet article a été écrit dans le cadre d’une carte blanche donnée à Nicolas Guiet, Chef de L’U.Ni.
Homme de passion, de valeur et de partage, Les Bouillonnantes lui a proposé de choisir les sujets de ce magazine et est allé rencontrer et interroger ces acteurs qu’il a souhaité mettre en avant.

Textes de Laurence Goubet
Photos de Paul Stefanaggi

Quel est le point commun entre :

Tous ont œuvré à l’U.Ni en salle ou en cuisine avant de monter leur propre affaire et d’entreprendre à leur tour.
Une génération de cuisiniers, sommeliers et serveurs qui s’est épanouie aux côtés de Nicolas Guiet, et a pu compter sur son soutien au moment de quitter cette belle maison pour voler de ses propres ailes.

Être chef c’est gérer mais c’est aussi motiver ses équipes et leur donner envie d’avancer, de continuer, de grandir.
Je suis fier de voir que des personnes qui ont travaillés à nos côtés ont eu envie, peut être un peu grâce à nous, de monter leur propre affaire.
La transmission de notre métier passe par nos gestes techniques
du quotidien mais aussi par une philosophie de travail,
d’entreprenariat et de fidélisation.

Avant de transmettre à son tour, Nicolas Guiet a reçu du Chef Eric Guérin, dont il a été le second pendant 5 ans, les mêmes encouragements et le même soutien infaillible. Celui qui aime appeler ses disciples “ses piafs” a toujours gardé contact avec eux et a été l’un des premiers dans la région à initier cet esprit de famille qui fait tant de bien à la restauration.

Une fraternité qui se poursuit à l’U.NI. Si bien que tous ont répondu avec enthousiasme à mon invitation à témoigner de leur expérience auprès de Nicolas Guiet et à échanger autour de la transmission.

Une thématique plus que jamais d’actualité et qui entraîne de nombreuses questions : La transmission se fait-elle uniquement par le savoir-faire culinaire ? Comment se transmet le savoir-être ? Qu’est-ce qu’un bon chef ? Le management en cuisine est-il forcément militaire et rigoriste ? Comment mettre de l’humanité dans les cuisines, en salle et dans les assiettes ? Quelle autonomie donner à ses équipes ? Comment préserver l’identité de la cuisine et du service quand les équipes changent ? Faut-il leur donner envie de rester ? Ou au contraire les inciter à prendre leur propre envol ? 

Dans une période où les restaurants peinent à recruter, où les candidats interrogent les conditions de travail et où les dérives d’une discipline et d’une rigueur poussée à l’extrême ont mis en lumière les pratiques violentes, et parfois sexistes, de certains Chefs, étoilés ou non, au point de faire déshonneur à la profession, Nicolas Guiet et ses “disciples” m’ont parlé d’une juste façon d’exercer le métier. Une pratique qui respecte et valorise l’humain, prône l’engagement et la loyauté et place la transmission au centre du parcours professionnel de tout cuisinier et serveur.

Manager

Nicolas Guiet en atteste. Les cuisines, tout comme la salle d’ailleurs, sont des espaces où règnent nécessairement la discipline et le sérieux d’un travail appliqué et constant, selon un fonctionnement défini et précis.
Cette organisation en brigade est souvent perçue sous le seul angle d’un management vertical, autoritaire et militaire, quand il s’agit avant tout de normaliser la répartition des tâches et les liens de subordination entre chacun.

Ce management “à la dur” est pourtant loin d’être nécessaire. Preuve en est, tous les anciens de l’U.Ni m’ont confié à l’unisson «Nicolas, il ne gueule jamais ! ».
Audrey Le Gouil ajoute même avec une certaine émotion « il réussit à assoir son rôle de patron tout en étant dans la sympathie et la convivialité ».
Ce qui selon Guillaume Decombat, désormais Chef au restaurant Sources, n’empêche en aucun cas une certaine rigueur : « Il a le regard perçant. On sait d’un coup d’œil s’il est content ou pas de notre travail ».
«Le côté rigoureux aide à s’organiser, à avoir un cadre dans lequel on prend beaucoup de plaisir à travailler » précise Amandine Robert.

Là est bien tout l’équilibre à trouver : imposer à ses équipes une implication totale et faire preuve d’une certaine intransigeance tout en offrant un cadre humain où chacun peut s’épanouir, donner le meilleur de soi-même et obtenir la valorisation méritée de tant d’efforts.

C’est un job très prenant. Autant que ça soit agréable ! 

« Mon expérience avec Nicolas m’a apporté de la rigueur et de la constance. Il m’a appris à avoir de la continuité dans le travail. Je ne pouvais pas avoir de moments creux. Il fallait être là de la première à la dernière minute. Aujourd’hui je me rends compte que c’est important. Je me retrouve beaucoup dans cette façon de faire. Je dois à mon passage à L’U.Ni une certaine détermination, de ne pas bâcler les choses, de ne pas procrastiner. » ajoute Guillaume Decombat.

A l’U.Ni, l’autorité passe avant tout par l’exemple et l’exemplarité du Chef vis-à-vis de son équipe : « Je suis là le matin avant eux, et je finis avec eux. Parce que j’ai besoin de les porter, de les emmener avec moi. »

Des propos corroborés par Guillaume Maccotta « On a besoin d’une équipe impliquée à chaque instant pour faire avancer un restaurant, avec parfois quelques à-coups, des coups de feu et des services moins faciles, des erreurs. Mais il faut les oublier rapidement, autour d’un moment de convivialité pour repartir à zéro au service suivant. »

En effet, la réussite d’un service nécessite cet esprit d’équipe, avec une véritable harmonie entre la salle et la cuisine, et une relation de confiance instaurée sur la durée. Un cadre de travail inspirant et serein, rempli d’humanité qui transpirera tant dans le service que dans les assiettes.

Je veux que chacun se sente bien, qu’ils aient envie d’avancer, de faire bouger les choses, de mettre de leur personnalité dans le service ou dans les assiettes et, avant toute chose, qu’ils s’enrichissent par cette expérience professionnelle.

Les équipes de l'U.NI Nantes - Photo Paul Stefanaggi

Transmettre

« Il ne faut pas se voiler la face. La cuisine d’un Chef est systématiquement influencée par ses expériences passées. Dans ma cuisine on va retrouver des influences de Nicolas Guiet. Lors de mon passage à L’U.Ni il m’a notamment fait retravailler des desserts de restaurant et m’a fait désucrer ceux-ci. J’ai aussi été influencée par le côté très végétal de sa cuisine et par ses bouillons. Ce sont des éléments marquants qui inspirent ma cuisine aujourd’hui ».

En effet, comme en témoigne Anne-Lise Genouel, Cheffe du restaurant Imagine, la cuisine est une affaire de transmission. Des générations qui se succèdent, se concurrencent parfois, mais toujours se respectent.

Son apprentissage ne peut être que théorique et la pratique auprès des pairs est inhérente au métier.
Ainsi l’enseignement implique quasi systématiquement un parcours au sein de plusieurs maisons qui permet à chaque apprenti de se confronter aux codes et aux enjeux propres à chaque restaurant. 

Cette transmission passe avant tout par la curiosité, une attention quotidienne à ce que font les confrères et le partage de connaissances. Et ce, tout au long de la carrière.
Regarder, échanger, essayer et même se former aux différents métiers. Comme Alain Chaptel le disait « La cuisine c’est beaucoup plus que des recettes ».

Un échange, un partage qui a toute sa place au sein d’une brigade, où chaque membre a des connaissances, une culture, des idées voire même une vision à apporter et va par cet intermédiaire participer à l’évolution du restaurant.

Je demande à chaque nouveau arrivant, si possible, de rester 2 ans, car je sais qu’il leur faudra un an pour comprendre ma cuisine et mon fonctionnement, et seulement après cela on pourra avancer et être dans la fusion entre leurs envies et les miennes. J’apprends et j’évolue beaucoup à leurs côtés. J’aime que les personnalités de chacun s’introduisent dans la maison. Chaque nouvelle personne qui la rejoint amène un nouveau souffle.

Guillaume Decombat admet « Il était nécessaire pour moi de prendre le temps de comprendre l’identité du restaurant pour, ensuite, pouvoir m’en affranchir et inventer ma cuisine bien à moi. Il m’a d’abord fallu 6 mois pour réussir à l’exécuter comme il voulait. Puis 6 mois pour être vraiment à l’aise. J’avais autant besoin de comprendre sa cuisine que l’homme. Il fallait ce déclic pour que je sois capable d’aller plus loin. J’ai pu commencer alors à proposer des plats qui lui plaisaient, qu’il a mis à sa carte. Et dès lors le relationnel évolue et le travail du quotidien change aussi. »

Et il ajoute « J’ai gardé de nombreuses influences de sa cuisine et de ses plats. Je pense notamment à certaines sauces qui m’ont marqué. Mais j’ai aussi appris sur ma cuisine en me confrontant à certaines choses qui me correspondaient moins. Nicolas met énormément d’ingrédients dans ses assiettes. Moi j’avais l’habitude d’une cuisine plus brut, plus épurée. J’ai été jusqu’à compter qu’il pouvait y avoir jusqu’à 50 gestes dans une seule assiette. C’était un apprentissage. »

Au delà du geste et du savoir-faire, cette transmission se fait aussi par l’esprit et le savoir-être. Sensibilité, professionnalisme, loyauté et bienveillance sont autant de qualités qu’un bon Chef devra inculquer à ses équipes pour qu’à son tour cette nouvelle génération propage une juste façon de pratiquer le métier et fasse honneur chaque jour à la notoriété de la gastronomie française.

Accompagner

En résumé, inciter à la rigueur et à la constance dans le travail, transmettre savoir-faire et savoir-être, valoriser l’humain, encourager ou encore inspirer un esprit d’équipe sont sans aucun doute les qualités d’un bon manager.
Mais pour Nicolas Guiet, le rôle de Chef est aussi celui d’accompagner chacun par une écoute bienveillante et un soutien infaillible pour permettre aux jeunes apprentis de s’émanciper quand le temps est venu, de trouver leurs propres voies et d’écrire leurs propres histoires.

Amandine Robert, qui a pourtant quitté l’U.Ni il y a six ans déjà, confie à propos de l’ouverture toute récente de sa fromagerie « J’ai demandé conseil à Nicolas quant aux fournisseurs ou à propos de questions techniques sur des installations ».
Et Anne-Lise Genouel ajoute « Avant d’ouvrir Imagine, je venais voir Nicolas, je lui parlais des fonds de commerce que j’avais visité. Je savais que je pouvais lui demander son avis et celui-ci avait de l’importance pour moi ».

Systématiquement Nicolas Guiet rend visite à chaque ancien qui se lance à son tour dans une pareille aventure.
S’il admet être animé d’un certain esprit logique et cartésien qui lui font aimer l’entrepreneuriat et la création d’entreprise, il va sans dire que Nicolas leur dispense ses conseils et procure son soutien avec toute l’humanité, l’altruisme et la générosité qui l’habitent. Il ne se pose pas là comme un mentor, mais bien comme un guide et sait que ce passage de témoin, tel qu’il l’a reçu d’Eric Guérin, est une valeur nécessaire à cet artisanat de qualité.

Un soutien lucide et bienveillant à la fois.
« Nicolas m’a soutenu une première fois à l’ouverture de Lamaccotte, et également quelques années après lors de mon passage en cuisine » témoigne Guillaume Maccotta.
« Quand nous avons ouvert le restaurant Sources, ça nous a fait beaucoup de bien d’avoir son soutien moral. S’il m’avait dit que j’allais me planter, venant de lui, je ne l’aurai pas mal pris ! » partage à son tour Guillaume Decombat.

Les Anciens de L'U.Ni autour de Nicolas Guiet - Photo Paul Stefanaggi

8 ans après l’ouverture de son restaurant, le Chef de L’U.Ni est fier de voir les guides comme le Gault&Millau mentionner le passage par sa maison de telle ou telle personnalité. Mais il est avant tout heureux de voir ces cuisiniers, serveurs et entrepreneurs talentueux s’épanouir désormais au sein de leur propre maison.

Si Nicolas Guiet est sans aucun doute un Chef qui fait école à Nantes, gageons que sur la scène nationale cet esprit solidaire et fraternel inspire d’autres Chefs vers une pratique plus humaine et positive de leur métier.

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