- Posted: 29 octobre 2020
Mathieu Pérou, gastronomie verdoyante
Extrait de l’interview réalisée par Laurence Goubet publiée dans le magazine Kostar n°72 octobre-novembre 2020
À deux pas du parc de la Chantrerie à Nantes, dans un magnifique écrin de verdure traversé par l’Erdre, Mathieu Pérou, 28 ans, a pris la succession de son père à la tête du Manoir de la Régate. Il y met à l’honneur les produits de son terroir à travers une cuisine gastronomique d’une grande sensibilité et dont la grande maîtrise technique nous laisse à penser que le célèbre guide rouge ne devrait pas tarder à le récompenser.
Vous avez grandi dans une famille où la cuisine se transmet en héritage… La cuisine a toujours été très présente dans notre famille. Mon arrière-arrière-grand-mère tenait un bistrot ouvrier. Pour mes deux grands-mères, cuisiner, c’était presque quelque chose de sacré, avec le persil, le thym, le romarin fraîchement cueillis dans le jardin. Très jeune, j’ai été marqué par cette culture.
Est-ce naturellement que vous êtes parti faire un Baccalauréat hôtellerie restauration ? Oui, c’est venu assez rapidement. Gamin, je passais beaucoup de temps au restaurant. J’étais un peu turbulent et une des manières de me canaliser, c’était de me mettre en cuisine. J’étais fasciné par cet univers plein de rigueur, et par toutes ces personnes qui se donnaient à fond tant pendant le service que la mise en place. Ça m’a donné envie de faire ce métier et de le faire bien.
Imaginiez-vous alors reprendre un jour le restaurant familial ? Oui, ça a toujours été dans un coin de ma tête. Je me disais “un jour, je serai chef comme papa, dans ce restaurant”.
Après un premier apprentissage auprès des Frères Ibarboure au Pays Basque et de Thierry Drapeau en Vendée, vous partez en Australie. Que retenez-vous aujourd’hui de ces 3 années passées là-bas ? La cool attitude ! Ce qui m’a marqué, c’est avec quelle passion et quelle rigueur chacun travaillait et à quel point la transmission était plus humaine. En travaillant notamment au sein de la brigade du chef japonais Tetsuysa Wakuda, j’ai découvert une culture que je ne connaissais pas. C’est là-bas que j’ai le plus appris.
J’aime savoir ma cuisine ancrée dans son terroir et mettre en valeur les producteurs qui travaillent autour de chez nous.”
En 2017, alors que vous êtes âgé de 25 ans, votre père Loïc Pérou, vous propose de venir le rejoindre. Le restaurant familial ne va pas très bien mais vous n’hésitez pas à relever le défi ?
Mon père ne m’a jamais obligé à devenir cuisinier. J’ai des parents aimants, qui m’ont transmis de belles valeurs et ce qu’il fallait pour réussir. Le jour où mon père m’a demandé ce service, sans vraiment l’exprimer d’ailleurs, je ne pouvais pas dire non. J’ai compris que ma place était ici, et que j’allais faire du mieux possible.
Aujourd’hui vous êtes le chef et votre père s’est retiré petit à petit de la direction des cuisines. Il était important pour vous de bénéficier de son appui et d’avoir cette période de transition ?
Encore aujourd’hui, je me sens privilégié. Au début je me fâchais quand mon père s’opposait à mes idées. Avec le temps, il a commencé à avoir confiance en moi et à accepter de me laisser faire. De la même façon que j’implique mes équipes en leur faisant goûter chaque nouveau plat, je le fais aussi avec mon père. Et j’attends de chacun d’eux qu’ils me fassent un vrai retour. La cuisine est indéniablement un lien étroit entre mon père et moi.
Comment définissez-vous votre cuisine ?
J’aime savoir ma cuisine ancrée dans son terroir et mettre en valeur les producteurs qui travaillent autour de chez nous. Je dirai aussi qu’il y a la juste proportion de technique pour donner une réelle identité à mes plats mais aussi une certaine simplicité pour que les assiettes restent lisibles.