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Benoit Rolland, un paysan en ville

Parmi ces diverses actions, l’association Les Bouillonnantes organise des visites de ferme et temps d’échanges entre les Chefs du bassin nantais et les paysans et artisans de la région. Nous vous racontons ici ces rencontres.

Date : 30/04/2021
Texte : Evaine Merle
Photos : Paul Stefanaggi
Couverture : Evaine Merle

C’est dans le champ parsemé de boutons d’or, situé sur les prairies humides de bord de Loire, dans la commune de Bouguenais, que les vaches Nantaises de Benoît Rolland paissent tranquillement. Le soleil de cette fin d’avril éclaire leur robe froment tandis que des hérons garde-bœufs prennent leur envol à notre approche. De leur côté, les restaurateurs qui ont répondu présent à l’appel du pique-nique champêtre s’affairent à installer les mets qu’ils ont préparés. Les bouteilles sont décapsulées, on entend des rires et les verres tinter. 

 

Promouvoir la vache Nantaise

Installé depuis 2008 à la Ferme des 9 journaux, Benoît Rolland élève des vaches Nantaises. Une race quasiment disparue dans les années 1980, sauvée grâce à des éleveurs passionnés par celle qui porte le nom de la ville de Nantes.
Après des études de science physique, Benoît, fils d’agriculteur, se rapproche des milieux paysans : il entame alors une formation agricole et travaille à la Chambre d’Agriculture de Loire-Atlantique pendant quelques années. Mais son envie de devenir lui aussi paysan et de participer à créer ce pont entre la ville et les milieux agricoles devient prégnante. C’est finalement sur les 160 hectares de terres périurbaines que compte la ferme des 9 journaux que son projet voit le jour, grace à l’aide de la mairie de Bouguenais.

Il mettra dix ans à constituer un troupeau de 50 vaches allaitantes. Elles sont rares les Nantaises !
Rustiques et adaptées aux sols humides, les vaches nantaises trouvent leur place sur ces terres classées «Natura 2000» (réseau de gestion de sites naturels et semi-naturels présentant un intérêt faunistique et floristique important) sur les zones de pâturages qui juxtaposent les marais. Certaines vaches meuglent, deux veaux n’ont pas réussi à traverser avant que la marée ne remonte ce matin, ils sont encore de l’autre côté des pâtures. D’ailleurs, Benoît nous le confie, il ne s’imaginait pas regarder les marées chaque jour en devenant éleveur. C’est ce lien étroit entre le territoire et l’animal qui façonne son quotidien. La Nantaise s’est imposée à lui : une race locale, ça faisait sens. Alors certes elle est moins productive que les races adoubées des industriels, mais le système 100% herbe que permettent les terres et sa croissance lente donnent une viande avec plus de mâche, plus authentique, dit-il. 

Il faut faire connaître et reconnaître cette vache. Nantes a une race à son nom, quelle chance !

Benoît est impliqué dans plusieurs structures : à la Confédération paysanne (syndicat agricole) d’une part et puis à La Vache Nantaise, association initiée par plusieurs éleveurs dont Laurent Chalet qui œuvre au développement de cette race, et qu’il préside. À terme, il aimerait aider des jeunes paysans à s’installer en vache Nantaise. Et la ramener en ville. Faire une passerelle entre les milieux ruraux et urbains, à l’image des « paysages nourriciers» (potagers qui ont couvert les parterres nantais à l’été 2020, initialement à destination des populations précaires de Nantes), pour sortir d’une agriculture en ville plus contemplative que productive. Sensibiliser et relocaliser la consommation, c’est ça qui l’intéresse.

 

Un paysan engagé

Je suis paysan, derrière il y a des convictions, des valeurs.

C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes à l’entrée de l’un de ses champs, avec une trentaine d’acteurs de l’alimentation nantaise et deux élus de Nantes Métropole : Julie Laernos et Aziliz Gouez.
Parce que Benoit, il élève ses animaux, il ne se sent pas producteur de lait ou de viande. Ce sont bien les restaurateurs qui s’affairent de part et d’autre de la table qui vont faire connaître ses viandes et les valoriser. Il ne les vend qu’en direct, vecteur de liens entre paysan et consommateur. Un lien direct qui lui permet également d’avoir un retour qualitatif sur sa viande. Ça a du sens de déjeuner ici, au plus près du troupeau. Chacun pioche dans les plats préparés par les restaurateurs nantais et prend un verre, c’est convivial.

 

En fin de journée, la visite se clôt par un marché de producteurs installé dans le corps de ferme. C’est ici que se trouve l’élevage laitier de la ferme des 9 Journaux, géré par Pierre-Yves Renault (une cinquantaine de vaches de race Limousine). Sur les étales : des légumes, les viandes fumées du fumoir urbain Marché noir, des plants potagers, du pain et des laitages. L’une des vaches est rentrée dans son pré au licol pendant qu’un cheval, sellé, attend sa propriétaire partie faire la queue au stand de légumes. Et dire que toute la poésie de cet univers rurale st située à peine 15 minutes en voiture de l’hyper-centre de Nantes.